Conflit au travail ou avec un être cher, rupture amoureuse, problèmes financiers… Nous passons des heures à penser. Cela nous mène parfois dans une danse infernale qui nous parasite, nous paralyse et qui très clairement nous fait perdre une énergie et un temps précieux… Comment donc se libérer de ces pensées parasites ?

Vaste et fascinant sujet qui m’a poussé à investiguer les avancées scientifiques qui pourraient nous éclairer. Car qui que l’on soit, nous faisons tous face à ce cerveau qui semble parfois n’en faire qu’à sa tête… Fort heureusement, il existe aujourd’hui des découvertes scientifiques qui peuvent nous permettre d’avancer !

Première étape pour cela (et première partie de cet article) : mieux  comprendre ce qui se passe dans mon cerveau lorsque je pars dans mes pensées.


1. Pensées et neurones

Pour faire très simple, d’un point de vue cérébral, mes pensées peuvent se résumer à des signaux électrochimiques qui parcourent les neurones de certaines parties de mon cerveau. Bien que la recherche n’ait pas encore clairement élucidé tous les mystères liés aux pensées, de grandes avancées ont été faites sur le sujet des pensées vagabondes (« wandering minds » dans la littérature scientifique). [1,2,3] Il est maintenant en effet possible d’observer un cerveau en train de penser, grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle.
 

2. Le circuit narrateur : celui des pensées parasites

Récemment plusieurs scientifiques ont identifié ce que certains appellent le circuit narrateur : le circuit neuronal qui s’active lorsque notre attention se dirige vers nos pensées vagabondes [1,2,3,4].

Le circuit narrateur serait le circuit neuronal que nous activons lorsque nous sommes en train de planifier, de rêver éveillé, mais aussi de ruminer

Ce circuit s’active lorsqu’il ne se passe pas grand chose autour de moi ou lorsque je pense à moi même. C’est, par exemple, celui qui s’active lorsque je suis dans ma voiture en direction du boulot, et que je me mets à penser à ce que je vais faire demain ou à cette dispute que j’ai eue dans l’après-midi. Je ne suis alors pas très attentif à ce que je fais, ou ce qui se passe autour de moi. En fait, je ne suis alors pas en train de vivre le moment présent, mais plutôt en train de revivre un évènement passé ou planifier un évènement futur. Ne vous est-il jamais arrivé de conduire et vous retrouver à un certain endroit en vous disant : « tiens je ne me souviens même pas du début du trajet » ?

Lorsque je suis dans mes pensées parasites, j’activerais alors différentes parties de ce circuit, telles que le cortex préfrontal médian ou encore certaines parties du cerveau liées à la mémoire, telle que l’hippocampe.
 

3. Le circuit narrateur est aussi notre circuit par défaut !

Plus intriguant encore, ce circuit serait notre circuit par défaut (voir aussi : default mode network) ! Celui qui s’active spontanément lorsque notre cerveau est « au repos », ou lorsque nous sommes en train de faire quelque chose qui demande peu de concentration.

Il serait ainsi vain de culpabiliser de ruminer. Notre cerveau est apparemment programmé, par défaut, à se retrouver spontanément en mode « pensées vagabondes » (mode narrateur).

Histoire d’illustrer ce phénomène, Matt Killingsworth a mis au point une application iPhone qui permettait de mesurer le niveau de pensées vagabondes durant diverses activités. Cette étude récente a montré que les 2250 adultes interviewés passaient, en moyenne, 47% du temps dans leurs pensées vagabondes. Cela allait de 65% du temps alors qu’ils étaient sous la douche ou en train de se laver les dents, 50% en train de travailler, 40% en train de faire du sport et 10% pendant qu’ils faisaient l’amour !

Ce que cette étude révèle aussi, est que nous serions moins heureux lorsque nous sommes dans nos pensées que lorsque nous vivons le moment présent (qu’elle que soit la nature de la pensée). Vous avez sûrement déjà entendu parler des bienfaits de vivre le moment présent ? Eh bien cette étude semble confirmer cela. Si vous voulez en savoir plus sur ces résultats, allez voir la vidéo de la conférence TED ou lisez l’article.
 

4. Le mode narrateur : un mode sur-développé mais utile aussi 

Selon le scientifique Farb et ses collègues, ce mode narrateur pourrait correspondre à un mode de traitement d’information que nous avons sur-développé, un mode devenu automatique avec la pratique. [4] Il ne serait donc pas surprenant que notre mode de vie actuel, où nous sommes constamment connectés (portables, internet…), et où nous bombardons constamment notre cerveau d’informations diverses (TV, jeux vidéos…), contribue d’autant plus au surdéveloppement du circuit narrateur.

Il faut néanmoins reconnaitre que ce circuit neuronal nous est par ailleurs très utile ! Comme je le disais précédemment, ce circuit est aussi celui que l’on active pour planifier, pour imaginer, créer – activités qui sont importantes pour notre survie. 

Selon Mason et al., ces pensées vagabondes pourraient, aussi, permettre aux individus soit de maintenir un niveau optimal de stimulation, afin de faciliter notre performance lors d’activités banales, soit de développer un sentiment de cohérence avec nos expériences passées, présentes et futures. [2] Mais comme Mason le dit, peut-être partons-nous aussi dans nos pensées vagabondes parce que notre cerveau en a la capacité, tout simplement.

 

5. Pensées parasites et émotions

Autre caractéristique des pensées parasites : elles sont généralement fortement chargées en émotions. En fait, le simple fait de se souvenir d’un évènement ramène, par la même occasion, l’émotion qui lui est liée.

Faites le test. Pensez à un évènement important qui vous est arrivé et observez l’émotion qui commence alors à faire surface. Cela serait apparemment dû au fait que l’hippocampe (partie du cerveau liée à la mémoire) ne se souvient pas seulement des évènements que nous avons vécu : l’hippocampe se souviendrait aussi de ce que nous avons ressenti à ce moment-là. [5]

Gérer ses pensées parasites est donc très étroitement lié à la gestion de ses émotions.
 

6. Mes pensées changent mon cerveau

Comme indiqué dans l’article « Nos pensées changent notre cerveau!… », le simple fait de penser change la structure de notre cerveau.

Plus je vais penser à quelque chose, plus je vais activer les circuits neuronaux correspondants à cette pensée et plus ils se fortifient. Plus il me devient alors facile de les activer ! Lorsque je rumine sur des choses négatives, en fait j’entraine, littéralement, mon cerveau à y penser.

Mais l’inverse est heureusement aussi vrai. Le neurologue Richard Davidson a d’ailleurs montré que les gens positifs et heureux ont tendance à plus activer la partie gauche de leur cortex préfrontal que les gens pessimistes et tristes. [6] Il a aussi montré qu’avec juste un peu d’entrainement nous pouvons développer notre capacité à devenir plus positif et heureux. [7]

Gérer ses pensées parasites est donc un entrainement que nous pouvons offrir à notre cerveau, si nous le souhaitons, bien-sûr.
 

7. Mes pensées ne sont pas forcément vraies

Autre point important : notre cerveau est programmé pour faire des associations d’idées, pour rattacher un évènement présent (ou une projection future) avec un vécu passé. Notre cerveau a besoin de donner un sens aux choses.

Lorsque j’observe un évènement, je ne vois pas juste un évènement, je vois une situation qui tout d’un coup a un certain sens : c’est bien ou c’est mal, c’est bon ou c’est néfaste pour moi….

Le problème est que cette programmation de notre cerveau, basée sur notre expérience et notre éducation, n’est pas forcément vraie. Elle n’est qu’une série d’interprétations de notre réalité. Et pour couronner le tout, notre cerveau a tendance à voir ou entendre ce qu’il veut, littéralement : il va parfois nous jouer des tours et être sélectif, voire même falsifier ce qu’il voit ou entend ; il va voir ce qui est cohérent avec sa « vision du monde » et va occulter le reste (cf. « Dans la perception, notre mémoire est généralement l’organe sensoriel le plus important. Nous voyons à 99% ce qui est déjà présent dans notre mémoire, seul 1% vient s’ajouter par l’intermédiaire des organes des sens » de l’article « Vidéo : Le cerveau et ses automatismes »).

Nos pensées sont donc très liées à notre éducation et notre vécu, mais elles ne sont pas forcément représentatives de la réalité et de ce qui s’est vraiment passé.

Il faut donc savoir les questionner.
 

 8. Je peux me déconnecter de mes pensées parasites en moins d’une seconde

En fait, nous sommes tous capables, à n’importe quel moment et en quelques millièmes de secondes, de nous déconnecter de nos pensées parasites : il nous faut juste trouver quelque chose de plus important à penser ou à faire, tout simplement.

La preuve : si je reprends l’exemple de la voiture et que je suis en train de ruminer sur un conflit au travail, par exemple… « Pourquoi ai-je fais cela ? Pourquoi a-t-il/elle fait ceci et pas cela ?… ce n’est pas juste…. », et qu’à ce moment là j’entends mon téléphone sonner. Que se passe-t-il alors ? À priori, je me déconnecte immédiatement de mes pensées et vais voir qui m’appelle ! (avec mon kit main libre bien-sûr! ). En moins d’une seconde, j’ai réussi à me déconnecter de mes pensées. Pourquoi ? Parce que tout d’un coup, il y a quelque chose de plus urgent, de plus important à gérer et mon cerveau le perçoit et active un autre comportement.

La difficulté est que tout au long d’une journée nous n’avons pas forcément de choses plus importantes ou vitales à faire, qui pourraient nous déconnecter de nos pensées parasites. N’est-ce d’ailleurs pas pour cela que nous passons notre temps à nous sur-stimuler au quotidien, histoire de nous déconnecter le cerveau de ce à quoi nous ne voulons pas penser ?

Que peut-on donc faire, concrètement, face à ces pensées parasites?… C’est ce que nous verrons dans le prochain article, car il existe un autre circuit neuronal que nous pouvons activer et qui désactive, par la même occasion, le circuit des pensées parasites : pour lire l’article cliquez ci-dessous :

Comment se libérer de ses pensées parasites – 2ème Partie – Trucs & Astuces

 

Mais avant de conclure cette première partie, je voulais vous partager une petite histoire…
 

 9. Le verre d’eau

« Une psychologue marchait vers le podium tout en enseignant la gestion du stress à une audience avertie. Comme elle a soulevé un verre d’eau, tout le monde s’attendait à la question du ‘verre à moitié vide ou à moitié plein…’. Au lieu de cela, avec un sourire sur son visage, elle demanda : « Combien pèse ce verre d’eau? ». Les réponses entendues variaient de 200 à 500 grammes.
Elle a répondu : « Le poids absolu n’a pas d’importance. Cela dépend de combien de temps je le tiens. Si je le tiens pendant une minute, ce n’est pas un problème. Si je le tiens pendant une heure, j’aurai une douleur dans mon bras. Si je le tiens pendant une journée entière, mon bras se sentira engourdi et paralysé. Dans chaque cas, le poids du verre ne change pas, mais le plus longtemps je le tiens, le plus lourd il devient. »

Elle poursuivi : « Le stress et les inquiétudes de la vie sont comme ce verre d’eau. Pensez-y pendant un moment et rien ne se passe. Pensez-y un peu plus longtemps et ils commencent à faire mal. Et si vous y pensez toute la journée, vous vous sentez paralysés – incapable de faire quoi que ce soit ».

Pensez à déposer le verre. »

Auteur Inconnu.
 

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Références

 
[1] – McKiernan K. A. et al, « Interrupting the « stream of consciousness » : an fMRI investigation« , 2006

[2] – Mason M. F. et al, « Wandering minds: the default netwrok and stimulus-independant thought« , 2007

[3] – Hasenkamp W. et al, « Mind wandering and attention during focused meditation: a fine-grained temporal analysis of fluctuating cognitive states« , 2011

[4] – Farb, N. A. S. et al, « Attending to the present: mindfulness meditation reveals distinct neural modes of self-reference », 2007

[5] – David Rock, « Your Brain at Work: Strategies for Overcoming Distraction, Regaining Focus, and Working Smarter All Day Long« , HarperBusiness Edition, 2009, pp. 224-227

[6] – Davidson, R. J. « Well-being and affective style: neural substrates and behavioural correlates« , 2004

[7] – Davidson R. J., « 9 ways to stop being negative« , 2012

 

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